
Publié chez Fayard, en août 2022.
« Deux ans après le Magasin du Monde, Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre ont convié historiennes et historiens à l’écriture d’une histoire du monde par les produits alimentaires. Des frites au parmesan, de la chorba au ceviche en passant par la margarine, ces aliments, tantôt simples, tantôt savamment préparés, nous permettent de comprendre, au plus près de nos pratiques intimes, la mondialisation et ses limites. »
Les auteurs :
Pierre Singaravélou est historien des empires coloniaux et de la mondialisation aux 19ème et 20ème siècles. Il s’oppose au courant historiographique visant à renforcer une vision des colonisés marginalisés et passifs et cherche à faire une histoire par le bas. Il est nommé en 2015 Professeur à Paris I panthéon Sorbonne et devient en même temps directeur des Editions de la Sorbonne. En 2019, il est nommé global Professor au King’s College de Londres.
Sylvain Venayre est un historien français, professeur à l’université de Grenoble, spécialiste du 19ème siècle et de l’histoire des représentations. Il consacre ses recherches à l’histoire des représentations de l’espace et du temps ainsi qu’à l’histoire culturelle du voyage.
L’Ouvrage
L’épicerie du Monde. La Mondialisation par les produits alimentaires, sous la direction de Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre a été publié par la maison d’Edition Fayard le 31 août 2022.
C’est un ouvrage collectif qui mobilise et donne la parole à des chercheurs de tous horizons. L’épicerie, magasin presque entièrement consacré aux produits alimentaires, abrite des spécialités du monde entier : épices, poivre, sucre de canne, cacao, thé ou encore café. Bien que celle-ci ait beaucoup évolué, elle reste un lieu qui témoigne de notre société mondialisée, d’une société d’échanges et de circulations.
Chaque chapitre du livre est consacré à l’histoire d’un aliment ou d’une spécialité culinaire d’une région ou d’un pays. Les auteurs s’attachent à montrer comment ces aliments circulent et sont réappropriés par les différentes populations qu’ils rencontrent.
Quelques extraits…
Le vin par Jean-Robert Pitte :
En raison de l’euphorie et du réveil du subconscient qu’elles entrainent, les boissons fermentées ont partout et de tout temps joué un rôle dans la sociabilité, mais aussi dans les expressions artistiques, l’exercice du pouvoir et dans les rituels initiatiques, magiques ou religieux. Apparu il y a plus de cinq millénaires avant notre ère dans les montagnes qui entourent le Croissant fertile, son pouvoir de séduction est très supérieur à celui de la bière, grâce à ses couleurs mais aussi ses parfums et son goût fruité. Le vin supplante rapidement la bière dans les banquets aristocratiques et les rituels religieux de Mésopotamie et d’Egypte. Les Hébreux en font à cette époque la boisson de l’Alliance entre Yahvé et leur peuple. Cinq siècles avant notre ère, ce sont les Grecs qui l’associent à un nouveau Dieu : Dionysos. Le christianisme va quant à lui renforcer le prestige de cette boisson. A la fin du 17ème siècle, on assiste à une laïcisation du vin. Le vin n’est plus seulement une affaire religieuse. L’augmentation du niveau de vie et l’accroissement des voyages, dans les dernières décennies du XXème siècle, vont permettre à d’autres contrées de s’ouvrir au goût du vin : L’Amérique, l’Europe du Nord, l’Asie ou encore la Russie.
D’abord considérée en Europe comme la boisson la plus saine et la plus hygiénique, le vin fait aujourd’hui l’objet d’une consommation beaucoup plus modérée. Dans le même temps, la qualité des vins s’est améliorée de manière très sensible et le nombre de connaisseurs s’est accru. Boire du vin en prêtant attention à sa provenance et chez les consommateurs les plus éclairés, au vigneron qui l’a produit ainsi qu’au millésime, est devenu un marqueur de raffinement, d’ouverture au monde et à l’échange culturel.
Les dimsum par Françoise Sabban :
L’histoire des dimsum est associée à celle des maisons de thé de Canton. Lieux spécifiquement consacrés à la consommation de thé accompagné de dimsum, au début simples abris de chaume, les maisons de thé se sont progressivement transformées en immeubles de deux ou trois étages. Le rez-de-chaussée accueillait les travailleurs de passage qui prenaient un verre de thé avec deux ou trois gâteaux secs sans prétention, le tout pour un prix modique, tandis que les salles situées dans les étages étaient destinées à une clientèle moins pressée et exigeante sur la qualité et le choix aussi bien du thé que des dimsum.
Le terme dimsum caractérisant à l’heure actuelle de petites préparations cuisinées, bouchées cuites à la vapeur ou frites, popularisées et appréciées même au-delà du monde sinisé, ne correspond plus tout à fait à ce qu’il désignait initialement. Dans le monde cantonais, les dimsum étaient considérés comme la partie indivisible et solide du « petit déjeuner à la cantonaise », servis en accompagnement d’une infusion de thé. Depuis les années 2000, les dimsum se sont diffusés dans le monde entier et sont désormais à la carte de restaurants des grandes villes. Ils sont servis à toute heure de la journée et le thé a perdu son importance. De nombreuses enseignes parisiennes en ont fait leur unique spécialité tout comme à Londres, Berlin, Sydney ou encore Singapour. Si nombre d’établissements restent fidèles à une liste établie de dimsum, plus ou moins inspirés de leurs versions cantonaises, d’autres regroupent sur une carte différents petits plats ou raviolis, en les qualifiant simplement de dimsum.
Le sandwich par Jean-Pierre Williot :
C’est à la fin du XVIIIème siècle que le mot sandwich entre dans les livres de cuisine. Charlotte Mason le décrit comme : de très fines tranches de bœuf entre de fines tranches de pain et de beurre, coupées aux extrémités, éventuellement proposées avec du veau ou du jambon coupé fin. Le mot est neuf mais son usage l’est moins, un mets similaire, le Belegde broodje, est répandu aux Pays-Bas, déjà au 17ème siècle. Les ouvrages de cuisine, dont l’édition croît au cours du 19ème siècle, en reproduisent la présentation à destination des cuisines bourgeoises. Le sandwich prend place dans les buffets de réception mais aussi dans la vie quotidienne, très inspiré des modes anglaises. Les sandwichs se servent pour les collations, les soirées, le moment du thé, composés avec des fromages d’Italie, du pâté de foie gras ou de la langue fumée. Ils deviennent aussi l’une des nourritures des nouvelles mobilités. Les buffets de gare, notamment, en proposent sous formes diverses. A ces offres marchandes s’ajoutent toutes les préparations domestiques que les travailleurs emportent pour faire du sandwich le substitut de la gamelle.
Porté par des clientèles multiples et des usages différenciés socialement, le marché du sandwich finit par s’amplifier de tous côtés. Son caractère universel engendre des spécificités culinaires locales : le cubano de Floride, le banh mi au Viet Nam, le vada pay en Inde, ou encore le panino en Italie. Des chaînes consacrées à la production de sandwich, comme Subway, contribuent désormais à des standardisations mondialisées, phénomène dans lequel le pain suédois et le club sandwich au pain de mie tendent à monopoliser les préparations industrialisées. Les alertes sur la toxicité de préparations sans hygiène suffisante et la définition d’un calibrage normé attestent que le sandwich est un produit de grande consommation à la fois mondialisé et source d’innovations locales.
Infos utiles
Editeur : Fayard
Parution : 31 août 2022
Pages : 432
Prix TTC : 25 euros, achat sur le site https://www.fayard.fr/histoire/lepicerie-du-monde-9782213721439
A lire aussi : Le Magasin du monde. La Mondialisation par les objets du 18ème siècle à nos jours. Dirigé par Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre. Aux éditions Fayard, 2020.